Du ménage dans les lois pour clarifier le droit

Bernard Lalande cosigne la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes présentée par ses collègues sénateurs Vincent DELAHAYE et Valérie LETARD
Expression de la volonté générale, la loi doit être appliquée par tous – nul n’est censé ignorer la loi -… et donc applicable.
De cette évidence découlent des exigences juridiques fondamentales au point, pour plusieurs d’entre elles, de constituer des principes ou objectifs de valeur constitutionnelle : la loi doit présenter les attributs inhérents à son applicabilité ; elle se doit donc d’être claire, intelligible, accessible… Elle se doit également d’être normative.
« Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Épicure », dénonçait déjà Montaigne dans ses Essais. Depuis que l’illustre philosophe a couché ces mots sur le papier, notre arsenal législatif n’a pour autant cessé de s’alourdir, de se complexifier et donc de s’obscurcir.
C’est donc tant au nom du bon sens le plus élémentaire que d’un droit s’imposant à lui que le législateur est tenu de veiller constamment à ce que la loi soit applicable. Il lui appartient de le faire, bien entendu, lorsqu’il l’adopte, mais cet impératif catégorique, permanent, doit également porter sur les lois existantes. En effet, l’applicabilité des lois étant contingente, il est du devoir du législateur de veiller à purger le paysage juridique de celles qui, applicables hier, ne le sont plus aujourd’hui.
C’est pourquoi l’initiative a été prise du lancement au Sénat d’une mission dite « B.A.L.A.I. » (Bureau d’Abrogation des Lois Anciennes Inutiles). Le Bureau du Sénat a approuvé cette initiative et a ainsi souhaité que la Haute Assemblée contribue pleinement à cette phase essentielle, bien que souvent oubliée, de la mission normative de la représentation nationale.
Cette mission « B.A.L.A.I. » est chargée d’identifier les textes qui ont fait leur temps, de faire la chasse aux fossiles législatifs, dont l’esprit s’est évaporé mais dont la lettre perdure, comme gravés de manière indélébile dans le marbre. Ce stock de lois est de nature à rendre leur accès plus ardu et leur compréhension plus épineuse, en ne permettant pas de séparer les lois réellement effectives de celles qui n’ont plus qu’un intérêt archéologique. Comme l’écrivait déjà Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».
La proposition de loi est la première d’une opération qui, au nom de la crédibilité du droit et de sa lisibilité, a pour ambition de supprimer des textes ne répondant plus en rien aux canons de la loi tels que les avait déjà recensés Portalis : « la loi permet ou elle défend, elle ordonne, elle établit, elle corrige, elle punit ou elle récompense ».
Elle est le fruit d’un examen des textes limité, pour l’heure, aux lois adoptées entre 1800 et 1940. Elle propose l’abrogation de 44 d’entre elles. Encore ce chiffre n’est-il que le résultat d’une démarche prudente, animée par le souci d’abroger comme il conviendrait de légiférer : d’une main tremblante. Seules ont été passées au crible les lois qui, au cours des deux dernières décennies, auraient pu tomber dans les oubliettes de la République faute d’avoir donné lieu à modification par le législateur, à exécution par le pouvoir règlementaire ou à application par un juge. Au sein de cet échantillon, seules les lois manifestement inutiles ont été regardées comme obsolètes et comme devant, en conséquence, être abrogées.
Cette proposition de loi ne prétend pas à l’exhaustivité, elle n’est qu’un commencement.